Bijou Kurien, L-Catterton Asia : “On peut très bien être un acteur international sans avoir un grand nombre de magasins physiques”

Bijou Kurien est membre du Conseil D’administration de L-Catterton Asia, le fonds d’investissement soutenu par LVMH. Il décrypte pour Global Retail News les enjeux actuels de la transformation du « retail » entre 1999 et 2019.

Propos recueillis par Gautam Chowdhury, à Bangalore

Par Sophie Baqué. Publié le 13 septembre 2019 à 16h40 - Mis à jour le 22 avril 2024 à 13h43

G.C. : En 1999, Walmart rachetait Asda et Carrefour fusionnait avec Promodès, apportant à Carrefour de nombreux pays notamment l’Espagne et l’Argentine … C’était le point culminant du « mass market ». Qu’est ce qui était décisif pour réussir à l’international il y a 20 ans ?

B.K. : Au tournant du siècle, l’e-commerce n’avait pas encore émergé en tant que canal viable. Les seuls canaux viables étaient ceux des magasins physiques, du modèle « entrepôts avec abonnement » (de type Costco, NDLR) et de la vente à distance sur catalogue. Ces canaux étaient complétés par un certain nombre de média traditionnels de masse, tels que la presse, la télévision et l’affichage « outdoor ». Pour réussir en tant que « retailer », il fallait donc étendre rapidement son parc de magasins physiques, pays par pays. Les principaux pays en termes de potentiel de croissance étaient la Chine et ceux d’Asie du Sud-Est. Pour les « retailers », il fallait donc avoir beaucoup de moyens pour réussir, tout en adaptant les modèles commerciaux aux besoins locaux et en trouvant des alliances stratégiques locales.

Qu’est ce qui est devenu décisif pour tirer son épingle du jeu ?

B.K. : En 20 ans, le marché du « retail » a fortement changé. Déjà, l’e-commerce est devenu un canal viable. Par conséquent, vous pouvez très bien être un acteur international sans nécessairement avoir un grand nombre de magasins physiques. Ensuite, avec le marketing digital, on peut très bien faire passer un message à une audience ciblée, tout en optimisant les coûts et l’efficacité. Le prix est également devenu un élément déterminant pour les clients. La rapidité des changements s’est considérablement accélérée, la capacité des acteurs à adapter leurs modèles aux besoins des consommateurs et aux marchés est devenue cruciale. A l’heure actuelle, tous les « retailers » cherchent à bâtir une proximité plus « intime » avec leurs clients, en capitalisant sur l’analyse de données et une meilleure orientation en termes de services.

Quels éléments cherchez-vous, lorsque L-Catterton décide d’investir chez un « retailer » ou une marque ?

B.K. : Il y en a trois. Dans ce type de décision, le plus important pour moi est de mesurer à quel point le « business modèle » est unique et différencié. Le « retail » mondial est saturé et si une marque n’a pas quelque chose d’unique ou de très différenciant, il est peu probable qu’elle rencontre l’adhésion des consommateurs. 2e élément clé ? Voir si le modèle est adaptable sur différents marchés nationaux et internationaux. Il faut prendre en compte la courbe de croissance, certes, mais aussi la capacité d’un modèle à être répliqué dans plusieurs pays. Enfin, la passion pour l’activité des fondateurs ou des dirigeants, leur vision de croissance, la culture d’entreprise qu’ils ont créée font aussi partie des éléments déterminants.

Avez-vous autre chose à partager ?

B.K. : Le marché du « retail » est organisé ainsi : de larges acteurs de l’e-commerce (organisés de façon verticale ou horizontale), de distributeurs alimentaires locaux, de marques de luxe ou de mode dotées d’une belle présence à l’international et d’un mélange d’enseignes locales, régionales ou internationales dans des secteurs comme l’électronique, de la maison et de la chaussure. Mais pour les marques que nous ciblons, il me semble que demain, les clients rechercheront avant tout la meilleure combinaison possible entre le prix, la qualité, le design et le « quotient mode ».