Social Commerce : Quand les réseaux sociaux deviennent des acteurs du e-commerce et du paiement intégré

Les moins de 25 ans trouvent leur inspiration sur les réseaux sociaux et y font leur shopping. Facebook et ses concurrents facilitent leur passage à l’acte. Ils proposent aux commerçants d’y tenir boutique (Facebook Shops) et d’y animer des émissions de vente à distance en direct (live shopping). Selon Mark Zuckerberg, le potentiel du Social Commerce est “explosif“. Les solutions de paiement intégrées (comme Facebook Pay) devraient alors se développer.

Par . Publié le 09 mai 2022 à 11h02 - Mis à jour le 09 mai 2022 à 11h16

Avec la génération Z (née entre 1997 et 2010) qui navigue sur les réseaux sociaux pour faire son shopping, les retailers doivent ajouter une corde à leur arc : le Social Commerce. Les formules varient : vitrines nommées « Facebook Shops » sur Facebook, images « shoppables » activant des liens de redirection vers des fiches produits comme sur Instagram, épingles de « produits achetables » sur Pinterest, ou le « #Challenge Plus » sur Tik Tok. Le principe est toutefois le même. Avec le Social Commerce, l’expérience d’achat du consommateur se fait directement sur les plateformes de médias sociaux (Facebook, WeChat, TikTok). 

Les réseaux sociaux se muent en véritables acteurs de l‘e-commerce. Ils proposent un parcours d’achat spécifique qui va jusqu’au panier (« add to cart ») et au règlement de la transaction. Les marchands ne sont pas seulement des retailers, mais aussi des indépendants, des TPE, des marques qui pratiquent le direct-to-consumer. Et les formules de vente sont parfois très novatrices. L’exemple du livestreaming en témoigne. Ces émissions de vente diffusées en direct et animées par des influenceurs, dont la vogue vient de Chine, permettent d’atteindre des taux de conversion de l’ordre de 12 à 14 %, bien supérieurs à ceux de l’e-commerce. Selon Contentsquare, en 2021, le taux moyen de conversion de l’e-commerce, toutes catégories confondues, était de 2,96 % en moyenne et de 6,8 % pour la grande distribution (étude réalisée dans 25 pays).

Le Social Commerce s’est offert une place de choix pour de multiples raisons : fluidité du parcours client, rapidité de l’achat à distance, conversations avec les marques via les messageries, inspiration puisée auprès des influenceurs et des pages officielles des marques ou des enseignes… Spécialement en Chine, où l’e-commerce s’est développé en intégrant « nativement » les réseaux sociaux (WeChat, Douyin, TikTok). Les consommateurs chinois se sont massivement convertis aux achats sur mobile, grâce à la super app WeChat (et sa fonctionnalité de paiement WeChatPay) qui permet d’effectuer toutes les étapes du parcours client (découvrir, choisir, payer en ligne) en boucle fermée. En 2021, selon Insider Intelligence, 424,4 millions de Chinois ont acheté pour US$ 351,6 milliards de marchandises sur les réseaux sociaux. Un chiffre dix fois plus important qu’aux Etats-Unis (US$ 36,6 milliards).

Outre-Atlantique, ce n’est qu’avec la crise du Covid que le mouvement s’est véritablement accéléré. Le groupe Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp etc) avait certes créé Facebook MarketPlace en 2017 puis testé l’efficacité des « Buy Button » sur Instagram. S’adressant aux indépendants et aux TPE, coincés pendant le confinement, Mark Zuckerberg a lancé les « Facebook Shops », ces boutiques en ligne intégrées aux pages Facebook des commerçants et des marques. Testée aux USA auprès d’acteurs comme H&M, Zara et Adidas aux USA, cette formule a été rapidement introduite en France, en mai 2020. On recenserait aujourd’hui 1,2 million de Facebook Shops, selon Le Monde.

Pour les retailers et les marques, il est impossible de passer à côté de l’opportunité que représente le Social Commerce. « Il faut aller à la rencontre des consommateurs là où ils se trouvent », soutient Emilie Benoit-Vernay, Head of Southern Europe Expansion chez Shopify qui propose ses services support à des millions d’entreprises dans 175 pays pour créer leur site e-commerce. « Les indépendants et les artistes l’ont bien compris. Ils s’emparent des réseaux sociaux pour vendre leurs créations en direct. Les petites marques digitales, celles que l’on regroupe sous le nom de Digital Native Vertical Brands (DNVB) investissent ce créneau. Quant aux enseignes, elles s’en servent pour élargir leur zone de chalandise ». En France, les acteurs les plus actifs en social commerce sont les DNVB : c’est le cas de Pure Pills (produits d’entretien éco-responsables) et de Oh My Cream (beauté), entre autres. Ces marques ont investi ce mode de communication et de vente, par proximité culturelle autant que par intérêt commercial. 

Pour les retailers plus traditionnels, l’enjeu est de savoir s’adapter à ces écosystèmes qui développent des styles et des codes de communication parfois opposés (vidéos réalistes et très rapides sur TikTok, photos sophistiquées sur Instagram) mais aussi des fonctionnalités de paiement de plus en plus intégrées et éclectiques. Si tous les réseaux sociaux veulent aller vers un système de “check-out” intégré, à ce jour en Europe, ils proposent essentiellement des liens qui redirigent vers la page produit du marchand, qu’il soit indépendant, grande marque ou enseigne avec une option d’achat immédiate. Pour réaliser la transaction, le retailer s’appuie sur les solutions clés en main fournies par les partenaires e-commerce de ces mêmes réseaux sociaux, comme par exemple Shopify, partenaire de Facebook, Instagram, Pinterest et TikTok. Ce spécialiste de la création de sites Web facilite le passage du e-commerce au Social Commerce : ses solutions intègrent les catalogues des vendeurs sur les boutiques des réseaux sociaux (Facebook Shops, Instagram Shopping), synchronisent les stocks et proposent divers moyens de paiement. 

A ce jour, Facebook Pay, le système de check-out intégré de Facebook n’est pas disponible en France. Or, cette « brique » est essentielle. Elle présente l’avantage pour le réseau social de conserver les acheteurs dans son écosystème, de bout en bout, y compris au moment où les données bancaires sont collectées. En toute logique, et conformément à une stratégie dite de « jardin fermé » menée par les Gafa, Facebook devrait donc franchir le pas.

Du côté des retailers, un autre frein se pose en termes de transformation omnicanale. Pour les enseignes traditionnelles que nous avons interrogées, le social commerce est une étape supplémentaire dans leur transformation omnicanale. Et beaucoup disent préférer conserver la donnée de paiement chez eux, pour ne pas augmenter encore leur dépendance par rapport aux GAFA. Après une nécessaire phase d’observation, ces enseignes vont néanmoins devoir accélérer sur l’adoption du Social Commerce pour conserver le lien et leur pertinence avec leur audience. Car à l’échelle mondiale, le cabinet Accenture estime que les transactions sur les réseaux sociaux devraient tripler en 2025 pour atteindre US$ 1 232 milliards (contre $492 milliards en 2021). A cette date, ce canal représentera 17 % de l’e-commerce, contre 10 % aujourd’hui.