Code de l’urbanisme : Bercy veut soutenir les dark stores

Point de retrait des commandes façon "drive piétons", ouverture d'un café au sein d'un dark store... Tandis que Gorillas affiche sa volonté d'accueillir du public, le gouvernement français envisage d'accorder aux « dark stores » le statut de commerces.

Par Sophie Baqué. Publié le 23 août 2022 à 15h04 - Mis à jour le 26 octobre 2022 à 12h15

Un dark store est-il un commerce, dès lors qu’il dispose d’un point de retrait ? C’est l’idée que veulent imposer les start-up du quick commerce, elles-mêmes soutenues par les fonds d’investissements. En France, c’est aussi la voie envisagée par Bercy, qui veut trouver une solution juridique au statut des dark stores et envisage de leur accorder le statut de commerce. Une consultation a été lancée le 6 juillet à ce sujet. « Aujourd’hui, ces acteurs sont catégorisés comme des entrepôts, a déclaré le gouvernement jeudi 18 août à Mind Retail. Mais s’ils ouvrent un point de retrait au public [ndlr : c’est la stratégie affichée par Gorillas depuis le mois de mars] et désopacifient leurs vitrines, ils deviennent des commerces, c’est l’état du droit ».

Ce scénario, inscrit dans l‘actuel projet de loi, n’a pas manqué de soulever les foudres des maires, qui souhaitent la fermeture des « dark stores » en raison des nuisances urbaines occasionnées. Une 2e option serait de créer une catégorie nouvelle dans les textes réglementaires d’urbanisme : « On pourrait aussi créer une « sous-destination » pour ces dark stores, qui correspondrait à leur activité et ne concurrencerait pas les commerces classiques ». Un décret et un arrêté interministériel sont attendus à l’automne 2022.

Le 1er scénario va directement dans le sens des start-ups du quick commerce, comme Flink, Gorillas, Gopuff ou Getir. A Londres, Gorillas a ouvert fin juillet 2022 un café sous l’enseigne Gorillas Coffee and Collect (quartier de Hampstead).

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Gorillas Coffee & Collect (London, opened July 2022)

Celui-ci permet aux clients de venir récupérer leur commande et de boire un café sur place. L’espace café est opéré par l’association de réinsertion “Change Please”. “C’est un autre exemple de notre engagement pour apporter de la valeur aux centre-villes, en réaffectant des commerces fermés tout en explorant des partenariats qui bénéficient aux communautés locales”, a déclaré un porte-parole de la société à The Grocer. “Notre modèle est très proche d’un supermarché classique où la livraison serait prépondérante, a précisé à Mind Retail Paul Choppin, Directeur de la Communication de Gorillas. Nous sommes avant tout des commerçants, nous ne sommes pas une plateforme de livraison. Contrairement aux plateformes qui assurent uniquement une mise en relation, nous gérons toute la chaîne de valeur”. Depuis mars 2022, Gorillas parle de magasins et non d’entrepôts pour qualifier ses « dark stores » de 500 m2 en moyenne. 

A Londres, Getir a, lui aussi, lancé un service de click & collect dans plusieurs « dark stores ». A New York et Amsterdam, deux villes où la bataille avec les élus est engagée, Gorillas a ouvert un service de retrait des commandes Web dans plusieurs entrepôts. Gopuff fait de même dans plusieurs dark stores américains.

Chez E.Leclerc, les “drives piétons sont titulaires de baux commerciaux, explique Thomas Pocher, Adhérent de l’enseigne. Juridiquement, ce ne sont pas des fonds de commerce. Techniquement, on fait de la vente sur place en libre service, mais c’est epsilon par rapport à l’activité de drive piéton. Par ailleurs, nos drives piétons s’appuient sur un entrepôt, qui lui, n’est jamais en centre-ville”.

Selon l’Atelier Parisien d’Urbanisme, la moitié des 60 dark stores parisiens occupaient d’anciens locaux commerciaux (données janvier 2022). Lyon en compte 10, Nice 2 et Nantes 1. A ce jour, les maires ont la possibilité d’interdire leurs ouvertures en centre-ville : quand un dark store s’installe dans une ancienne boutique, il y a un changement de destination d’un commerce à un entrepôt. La ville doit donc donner son autorisation et peut imposer des astreintes financières en cas de non-respect de la destination. Elle a aussi la liberté de préciser dans son Plan Local d’Urbanisme (PLU) si elle autorise, ou non, ce type d’activité. A Paris par exemple, le PLU indique que la zone de stockage d’un magasin ne peut pas dépasser 30 %. 

Depuis l’automne 2021, un certain nombre d’amendes ont été dressées à Paris pour non respect des règles d’urbanisme. Interrogée par Mind Retail, la Mairie de Paris n’a pas indiqué le montant de ces procès verbaux. Si certaines sociétés ont joué le jeu, acceptant de fermer ou de se déplacer, d’autres ont répondu que la réglementation n’était pas adaptée à leur activité, et espèrent que l’Etat va modifier la législation pour effacer l’ardoise. Les premières astreintes financières, attendues pour septembre 2022, seront plafonnées à € 500 par jour et € 25 000 par lieu.